LA RESPONSABILITE DES ACTEURS LOCAUX
 
Dans les collectivités territoriales, 520 000 élus et 1,8 million d’agents publics (fonctionnaires et contractuels) administrent de nombreux services publics locaux, essentiels à la qualité de la vie quotidienne des citoyens. L’exercice de ces responsabilités nouvelles, issues de la décentralisation, comporte des risques, administratifs, judiciaires et financiers, qui ont conduit les acteurs locaux à intégrer à leur gestion une action de prévention et de maîtrise des risques. Les propositions de la Commission Mauroy (rapport d’octobre 2000) visaient à lutter contre le sentiment d’insécurité juridique, non tant en raison d’un plus grand nombre de fautes constatées, que d’un accroissement des contrôles.

1. Exercice des responsabilités

Les collectivités détiennent une responsabilité d’organisation des services publics locaux. Ces derniers concourent à l’aménagement d’espaces territoriaux, permettent le fonctionnement d’équipements et de services, contribuent à redistribuer des richesses en faveur de zones géographiques, de groupes sociaux, de familles ou d’individus, au nom d’intérêts collectifs ou d’objectifs de solidarité.
L’esprit de ces politiques est la recherche du partenariat avec l’État, les autres collectivités territoriales, les acteurs locaux.
Le maire, les présidents de conseil général, de conseil régional et d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) disposent du pouvoir exécutif de leur collectivité ou de leur établissement. À ce titre, ils préparent les délibérations de l’assemblée qu’ils président et sont chargés de leur exécution (ordonnancement et réalisation du budget, nomination aux postes de fonctionnaires...).
Cependant, la combinaison des nombreux pouvoirs et des diverses délégations possibles (de pouvoir, de fonction, de responsabilité, de signature) peut engendrer une confusion des rôles et l’émiettement des responsabilités au sein d’une collectivité territoriale. La définition explicite de chaque rôle doit donc être précisée.

2. Principes de mise en cause de la responsabilité des agents publics

2.1 Mises en cause de la responsabilité financière

Deux catégories de mise en cause financière des agents publics peuvent être distinguées : la condamnation pour faute de gestion ou celle pour gestion de fait.
Le Code des juridictions financières comporte de nombreuses infractions aux règles de la comptabilité publique, dites fautes de gestion, sanctionnées par la Cour de discipline budgétaire et financière :
·         celles qui sont susceptibles d’être commises par les fonctionnaires territoriaux naissent non seulement d’infractions aux règles d’exécution du budget, mais aussi de ce que l’agent n’a pas fait mais ce qu’il aurait dû faire, même quand aucun texte ne prescrivait explicitement la conduite à tenir (défaut de surveillance ou d’organisation, dissimulation...) ;
·         l’élu local, quant à lui, peut être traduit devant cette Cour, en tant qu’ordonnateur, dans des cas précis : la non exécution de décisions de justice entraînant le paiement d’une somme d’argent et, en cas de réquisition du comptable public, l’octroi d’avantages injustifiés à autrui au préjudice de la collectivité.
La gestion de fait vise à sanctionner l’ingérence dans le recouvrement des recettes affectées ou destinées à un organisme public, par tout agent public qui n’a pas la qualité de comptable public, ou qui n’agit pas sous son contrôle et pour le compte d’un comptable public. Il peut, en ce cas, être déclaré comptable de fait et accusé de gestion de fait par la chambre régionale des comptes, qui enquête sur les fonds irrégulièrement détenus ou maniés.

2.2 Mises en cause de la responsabilité pénale

Le Code pénal prévoit plusieurs infractions propres aux agents publics :
·         l’abus d’autorité, dirigé contre l’administration (ex : faire échec à l’exécution de la loi), ou commis envers des particuliers (ex : discrimination) ;
·         les atteintes à la confiance publique (ex : faux en écritures) ;
·         le manquement au devoir de probité (ex : corruption).
Les élus et fonctionnaires locaux sont également menacés par de nombreuses autres infractions prévues, par exemple, par le droit de l’urbanisme, par le droit rural ou encore par le droit de l’environnement.
Le principe de responsabilité pénale des personnes morales publiques est cependant assorti d’une importante limite : les collectivités territoriales ne peuvent engager leur responsabilité pénale que pour quelques infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégations de service public. La responsabilité de la personne morale ne fait cependant pas obstacle à celle de ses dirigeants, ce qui évite la dilution des responsabilités des personnes physiques et permet de ne pas dissimuler les fautes individuelles derrière la responsabilité de la collectivité.

2.3 Mises en cause de la responsabilité administrative

Lorsque l’administration, dans l’exercice de ses activités, cause un dommage et fait subir un préjudice, la victime peut demander réparation. Si le noyau du régime juridique de la responsabilité de la puissance publique relève du droit public, le droit privé intervient aussi pour assurer la réparation de préjudices nés d’activités de l’administration (gestion d’activités dans les mêmes conditions que des particuliers, gestion du domaine privé des personnes publiques...).
Une faute est dite de service lorsqu’un agent public a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions et que cette faute n’est pas détachable du service. Dans ce cas, l’administration prend en charge la responsabilité civile de l’acte en cause.

3. La prévention et la maîtrise des risques liés à la gestion locale

3.1 La pratique déontologique

À partir des grands principes de responsabilité propres aux agents publics, il est possible de déterminer la pratique déontologique devant guider les fonctionnaires territoriaux et susceptible de prévenir les risques de mises en cause financières, pénales et administratives. On peut citer deux axes :
·         la pratique déontologique issue du statut de la fonction publique : indépendance, obligation de réserve, discrétion professionnelle, secret professionnel (et son rapport avec l’obligation de dénonciation, d’une part, et la non-assistance à personne en danger d’autre part).
·         la pratique déontologique dégagée par les observations des chambres régionales des comptes : gestion équilibrée et prudente des finances publiques, contrôle attentif des missions de service public déléguées, respect des lois et règlements en matière de commande publique principalement.

3.2 La prévention des risques pour fautes non intentionnelles

Les risques de mise en cause d’élus et de fonctionnaires pour fautes non intentionnelles naissent essentiellement des obligations d’hygiène et de sécurité, des pouvoirs de police, qui mettent les maires au premier rang en cas d’accident, et de la gestion de certains services publics locaux.
Ces dernières années, la responsabilité personnelle d’élus a été engagée de façon croissante. Afin de limiter ces mises en cause pénales, jugées parfois excessives, deux lois ont été adoptées. Ainsi la loi du 13 mai 1996, qui préconise l’appréciation de chaque affaire au regard des circonstances (in concreto), et la loi du 10 juillet 2000, dite " loi Fauchon ", ont assoupli le régime de la responsabilité pour faute non intentionnelle. L’élu ne peut plus être condamné s’il a accompli les diligences normales compte tenu des circonstances.

3.3 La maîtrise des risques par le contrôle interne

L’effort de maîtrise, ou contrôle interne, est bénéfique à plus d’un titre pour éviter la mise en cause de la responsabilité des acteurs locaux. Le contrôle interne doit porter sur les domaines clefs générateurs des risques les plus graves, évoqués précédemment (budget, etc.), mais aussi permettre une évaluation des politiques menées. Moyen de prévenir les risques de toute nature auxquels peuvent être confrontés les acteurs locaux, le contrôle interne, qui clarifie les responsabilités, permet aussi d’établir des principes de fonctionnement plus rigoureux, transparents et efficaces.
La responsabilisation des acteurs locaux a ainsi accompagné l’évolution des collectivités territoriales dans le processus de décentralisation, évolution vers une rigueur et un professionnalisme propres à améliorer les missions de service public de même que l’image de celui-ci auprès des citoyens. La loi sur la démocratie de proximité (27 février 2002) prévoit par ailleurs de fournir une aide juridique aux acteurs locaux, aide qui doit notamment permettre de prévenir les erreurs dans les passations de marchés.



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